Liban

 

Les Grooms à Beyrouth - 26 février 2006

Spectacle « La flûte en chantier »

 

Le festival Al Bustan de Beyrouth était en contact régulier avec nous depuis l'année 2000 : une ancienne amie anglaise rencontrée à Salisbury y travaillait à l'époque et avait essayé de nous faire venir. La ténacité a fini par payer et le contact a finalement abouti en 2006...

Ce festival est un festival de musique classique un peu particulier : il est organisé par Mme Bustani, grande milliardaire au caractère en acier trempé, qui le tient d'une main de fer depuis 20 ans. Il a lieu dans l'hötel Al Bustan (5 étoiles) sur les hauteurs de Beyrouth. On y mange dans le restaurant Al Bustan et on y dort dans les chambres de l'hôtel Al Bustan...

Après l'Algérie en 2001, nous voici dans un autre pays qui a connu des problèmes. L'appréhension est présente dans le groupe. Quelques semaines avant notre arrivée, Rafik Harriri est assassiné. On se dit que la tournée va être annulée : il n'en est rien. Le festival n'a jamais été annulé, même dans les pires moments de la guerre.

Nous sommes heureux de présenter notre Flûte en chantier dans un festival de musique classique (c'est très rare). La représentation a lieu dans les salons de l'hôtel. Nos costumes sont donc les bienvenus. Le théâtre de rue est complètement inconnu au Liban, et qui plus est dans ce festival huppé.

Nous sommes logés comme des pachas dans de magnifiques chambres avec vue sur toute la ville de Beyrouth. Seul Diego connaît un problème avec sa chambre où la climatisation déficiente lui envoie des gaz fétides pendant la nuit !

Les repas sont gargantuesques avec une délicieuse nourriture libanaise. Nous les partageons avec un orchestre de Saint-Petersbourg.

Madame Bustani est partout : de 8h du matin à 2h du matin, elle arpente les salons de son hôtel et régente tout. Elle est assistée de 4 femmes qui lui obéissent au doigt et à l'œil. Il ne faut surtout pas la contrarier... Notre spectacle pose problème car il est d'un type nouveau : il est hors de question pour elle que son public s'asseye sur le sol. Ce serait un scandale dans un hôtel de ce standing. Il y a de longues discussions sans fin avec elle à ce sujet. Elle ne veut pas non plus que le final du spectacle aie lieu dans les très beaux jardins de l'hôtel. Et encore moins que nous fassions un feu sur le sol..

Serge qui a fait le repérage est en première ligne et s'arrache les cheveux...

Nous finissons par céder sur tout : tout le spectacle a lieu a l'intérieur et Mme Bustani loue 200 chaises pour ses invités. Bien évidemment il n'y a pas de feu. Pour la première fois, le spectacle va être donné devant une assistance assise sur des chaises. Certains grooms sont en colère et ne comprennent pas ce qu'on fait dans un tel festival. Notre spectacle est présenté dans de trop mauvaises conditions.

La représentation se déroule devant un public composé à 90% de chrétiens. Pas un musulman ni une femme voilée. Toutes les élites de la ville sont là, mais aussi beaucoup de familles et d'enfants. Ils sont surpris par notre version de l'opéra mais finissent dans la troisième partie par se lâcher un petit peu. On sent une assistance guindée mais très à l'écoute. Notre deuxième partie habituellement jouée en haut d'une fenêtre a lieu dans le restaurant italien de l'hôtel. Jacques s'allonge sur le pétrin à pizza pour mimer la scène de sexe avec Maryseult. Pas de censure de la part du festival ce qui est à noter.

Nous remercions le festival Al Bustan d'avoir osé nous programmer dans une situation politique très instable. Madame Bustani est une femme formidable qui tient tête à l'adversité. Sans un centime d'argent public, elle continue à essayer de sauver son pays grâce la culture.

J'ai aujourd'hui une pensée émue pour l'édition 2007 du festival...